Femmes territoires
Le territoire dans l'agir des femmes
Les femmes xinguanas qui migrent vers la ville défendent des projets particuliers loin de s'arrimer avec une coupure culturelle. Elles défendent plutôt une présence urbaine dans l'objectif de "donner de la force". De la force pour elle à travers la possibilité de projets individuels, de la force pour leur famille, à travers un soutien des études et de leur propre autonomie, de la force pour leur communauté à travers des projets pensés "pour aider le peuple" et de la force pour la collectivité de femmes xinguanas dans la lutte pour leurs droits.
Les récits transposent le discours féminin sur la relation qu’entretiennent les migrantes face à la ville. Il m’importe maintenant de présenter la performativité urbaine et féminine qui se dégage de la relation entretenue au territoire. Comment les migrantes rendent-elles visible la relation personnelle et intime qu’elles entretiennent au territoire? Comment structurent-elles leur agir face au territoire? Comment ancrent-elles la légitimité de leur expérience urbaine? Comment le territoire est-il articulé au discours et à image qu’elles formulent d’elles-mêmes ? Et comment ce discours et cette image s’arriment-ils au collectif? Le point commun qui émerge de toutes les expériences de nos interlocutrices est celui d’un désir d’autonomisation structuré à quatre échelles distinctes, soit l’individu, la famille, la communauté et la collectivité. L’agir urbain féminin est ainsi traversé par cette quête d’autonomie qui s’articule en réaction ou en continuité avec le territoire. Ces deux formes d’agir sont liées aux normes de genre auxquelles les femmes xinguanas doivent se souscrire. Dans ce chapitre, je tente de rendre visible l’étroite relation entre le cadre autoritaire des normes de genre et l’autonomisation féminine. J’émets l’hypothèse qu’il ne s’agit pas là de deux éléments dichotomiques et opposés où l’abandon de l’un mène au décuplement de l’autre, ou que le premier doive nécessairement tendre vers le second. J’argumente plutôt qu’ils sont imbriqués et agissent l’un sur l’autre de manière fluide et circulaire. J’analyse donc ici comment les normes de genre, sous des actions performant leur refus, leur négociation puis leur transformation, pourront construire une autonomisation féminine tout en soutenant (d’une nouvelle manière) les normes traditionnelles et de genre de leurs communautés.
Ce chapitre ne traite pas des actions visant à retrouver le territoire (visites, gastronomie traditionnelle, visionnement de films, écoute de chant, etc.) ou à reproduire l’espace physique du territoire (voyager dans des régions forestières qui rappellent le Xingu, aller marcher au parc public, modification de la structure d’habitation, etc.). Il propose plutôt une introduction dans l’action et la performance, toutes deux relationnelles, que les migrantes entretiennent à leur territoire. Voyons comment les migrantes xinguanas, à travers les quatre échelles présentées, développent un agir qui leur permet de déconstruire et reconstruire leur relation au Xingu.