Femmes territoires
Le territoire dans les récits
L'un des mythes les plus forts envers les peuples autochtones soutient que lorsqu'ils vont en ville, les autochtones abandonnent leur culture. Cette recherche permet de déconstruire cette idée en décrivant l'importance et la présence du territoire et de la culture dans les récits migratoires des femmes xinguanas. Au lieu de parler "d'urbanisation" des peuples autochtones, il serait donc préférable de parler de "territorialisation" de la ville.
Parler du territoire, pour la majorité des femmes rencontrées qui y sont nées, c’est parler du lieu d’origine et d’ancrage de leur identité, du lieu de ressourcement, ainsi que du lieu où elles se visualisent dans le futur. Il est intéressant d’analyser la place et l’expression du territoire dans les récits de vie des migrantes. Une telle analyse nous permet de reconstituer, à partir de leurs mots et leur mémoire, les points d’ancrage spatiaux et temporels qui forgent leur perception de leur relation à leur quotidien urbain et à leur lieu d’origine. Une relation parfois conflictuelle avec une identité territoriale difficilement légitimée, parfois marquée par une carence de ce rapport spécifique et de ses relationnalités, parfois à la base du motif qu’elles invoquent pour revendiquer leur droit à la ville.
La présence, voire l’omniprésence, du territoire dans les discours des migrantes ouvre une porte sur le rapport amour/haine, les souvenirs heureux et tristes, les rapports familiaux et communautaires, des éléments ayant marqué la construction identitaire des individus profondément ancrée dans le territoire et son histoire. Même les participantes qui sont nées en ville vont mobiliser des souvenirs et expériences liés au territoire pour expliquer et définir leur construction identitaire. Dans ce chapitre, nous nous plongeons donc dans les mots, les souvenirs, les manières de dire, de raconter (de se raconter) ou de mettre en scène le territoire permettant de comprendre les différentes relations que les femmes entretiennent avec lui face à la ville. Un même récit peut contenir différentes relations au territoire. Celles-ci renvoient à des époques ou à des expériences opposées, rendent compte de la complexité, de l’ambiguïté, des contradictions, tout en offrant un point de vue sur le lien sensible unissant individu et collectif.